Son aventure pâtissière, qui ne manque pas d’étoiles, l’a successivement conduit au Crillon, au George V, et enfin au Bristol.
2 ans après son arrivée, cet établissement mythique aujourd’hui classé « palace », décroche la 3ème étoile au Guide Michelin. Consécration. Il est élu la même année Pâtissier de l’Année par le Champérard.
Cultivant d’habitude une grande discrétion, Laurent Jeannin a ouvert les portes de son laboratoire aux gourmands lecteurs de Raids Pâtisseries.
Certainement par atavisme, ma mère étant elle-même passionnée de pâtisserie. Petit garçon, je feuilletais avec gourmandise ses livres de desserts : je me rappellerai toujours de cette appétissante photo de fraisier signé Gaston Lenôtre, recouvert de pâte d’amande et orné d’une belle rose en sucre pourpre …
Vous signez des desserts 3 macarons. Qu’est-ce qui vous a donné envie d’atteindre un tel niveau ?
J’ai un caractère volontaire, qui aime aller au bout des choses.
Il faut dire que j’ai toujours été à bonne école, et ce, dès mon apprentissage. A Vichy, la pâtisserie Valade, où j’étais jeune apprenti était un établissement comme on n’en fait plus. Absolument tout était fait maison, jusqu’aux décors – peints à la main, nappages, et autre compote de pomme ! J’y ai beaucoup appris. Du reste, j’ai toujours eu à cœur de m’auto-former.

Je suis passé par de nombreuses maisons, avec la chance à chaque fois d’être très bien entouré !
Par exemple, après mon apprentissage, je suis rentré chez Fauchon – Pierre Hermé en était encore le chef pâtissier.
Puis j’ai découvert la pâtisserie de restauration au restaurant 2* du casino d’Enghien.
Après mon service militaire, je suis rentré comme commis au Crillon où j’ai gravi tous les échelons jusqu’à seconder Christophe Felder comme sous-chef pâtissier. Le Crillon était alors un extraordinaire vivier de chefs qui ont par la suite essaimé : y étaient notamment Gilles Marchal, Yves Camdeborde, Christian Constant, Jean-François Piège, Christophe Adam, Eddie Benghanem…
J’ai ensuite été happé par le George V qui rouvrait après 2 ans de fermeture et relançait son restaurant : nous avons rapidement obtenu 2 étoiles. J’y avais notamment lancé la mode des variations autour d’un parfum.
Enfin, après m’être mis à mon compte – notamment pour des missions au Japon, Eric Frechon, chef cuisinier du Bristol, m’a appelé pour succéder à Gilles Marchal. Ça n’était pas facile de succéder au talent de Gilles ! La troisième étoile est venue 2 ans après.
Mes desserts sont avant tout frais, gourmands, et harmonieux. D’ailleurs, au Bristol le dessert est introduit par un « avant-dessert », qui permet de rafraîchir le palais des convives et aiguiser leur envie de dessert !
Surtout, je ne sacrifie jamais le goût au visuel, et je privilégie les produits du terroir français.
Comment créez-vous vos desserts ?
Mon environnement est pour moi une source d’inspiration permanente. La rencontre d’un objet, d’une saveur, … influence ma pâtisserie parfois des mois, voire des années après.
Par exemple, la découverte fortuite de mon vieux tourne-disque a inspiré la déco du dessert Noix du Brésil Caramélisée, légère mousse de lait, Jivara lacté glacé
En général, je crée très spontanément, presque naturellement. Je suis à vrai dire particulièrement stimulé par les défis … et les deadlines !

Laurent Jeannin prépare le décor du redoutable dessert « Cerises. »
Les « Cerises » en cours de finition

Quelles sont vos pâtisseries les plus emblématiques ?
Ma création la plus médiatisée est certainement le « Nyangbo ». Tel un écrin à bijou, la sphère de chocolat noir abrite un joyau d’or et de cacao. C’est un dessert qui souligne le côté terreux, cacaoté du chocolat du Ghana.

Je travaille par ailleurs des textures étonnantes, fondantes, légères comme ce dessert élaboré avec de l’azote, à base de litchi, poire, citron, et au parfum de rose, que j’avais spécialement créé à l’occasion de la journée de la femme.
Enfin, je travaille beaucoup en collaboration avec la salle, pour faire de certains desserts un spectacle.




Y-a-t-il des produits que vous n’aimez pas ?
Aucun ! Je ne suis pas élitiste en matière de goût ! Les haribos, le nutella, les sundaes fraise du McDo… Ces sucreries ne sont certes pas « diététiquement correctes », mais elles ont un goût unique qui éveille en nous des souvenirs !
Dans l’un de nos desserts, nous avions par exemple relevé des billes de fraises à l’aide de poudre de Fisherman’s Friend - l’alliance fraise-menthol était un vrai régal régressif !
La pâtisserie est, en plus d’être un métier de création, un métier de management. Combien de personnes gérez-vous ?
Je manage une équipe de 16 personnes. Outre les créations du restaurant gastronomique, mon équipe réalise les desserts du 114 Faubourg, la boulangerie et les viennoiseries, les gâteaux du room service, et ceux du salon de thé.
Que faites-vous quand vous n’êtes pas à la pâtisserie ?
Je vous avouerais que mon métier me laisse peu de temps libre ! Toutefois j’aime flâner dans les musées d’art contemporain. Je fais également un peu de gym.
Cette année, j’ai aussi participé au jury du concours du Meilleur Ouvrier de France en Pâtisserie. Et je serait président du jury du Championnat de France des Desserts
Les 5 petits secrets de Laurent Jeannin• Il parle couramment japonais
• Dans sa vie personnelle, il n’est pas très organisé !
• Il recommande vivement la focaccia ricotta-speck de Del Italy (23 rue Poncelet – 75017)
• Vous vous souvenez du superbe bouquin « Le Chocolat de Christophe » de Christophe Felder ? Eh bien Laurent en avait été l’un des contributeurs.
• S’il n’avait été chef pâtissier, il aurait voulu être architecte
Et comme tous les grands de la pâtisserie …
• Il ne vous livrera jamais le nom des very very VIP qui lui passent commande (c’est agaçant ce côté « discret comme un banquier d’affaires »…)
• Aucun détail ne lui échappe, ce qui rejoint d’ailleurs le leitmotiv suivant, affiché en cuisine:

Jolie maxime sur les détails et la perfection, quand on voit ses desserts on ne peut qu'acquiescier!!
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